Le baromètre social et l’évaluation des risques psychosociaux Comment articuler les deux démarches ?
Le baromètre social et l’évaluation des risques psychosociaux Comment articuler les deux démarches ?
Publié par Stéphanie Puigpinos
Le 14 octobre 2025

Introduction
La mesure du climat social constitue aujourd’hui un instrument privilégié de pilotage des organisations.
Dans un contexte marqué par l’attention croissante portée à la santé au travail et à la qualité de vie professionnelle, la question se pose d’intégrer à ces dispositifs de suivi les risques psychosociaux (RPS), entendus comme l’ensemble des déterminants organisationnels et relationnels susceptibles d’altérer la santé mentale, physique et sociale des salariés (Gollac & Bodier, 2011).
L’enjeu est double : garantir la robustesse méthodologique de l’évaluation, tout en l’articulant à la lecture globale du climat social de l’entreprise.
1. Intégrer les RPS au baromètre social : une approche systémique de la santé au travail
Les RPS sont souvent appréhendés au travers de démarches autonomes (diagnostics dédiés, enquêtes spécifiques, entretiens qualitatifs).
Pourtant, les déterminants de ces risques — intensité du travail, autonomie, reconnaissance, relations sociales — sont les mêmes que ceux évalués dans les baromètres sociaux classiques.
Dès lors, une intégration des items RPS dans un baromètre plus large permet :
- d’éviter la juxtaposition d’outils redondants ;
- d’inscrire la prévention des risques dans une vision systémique du fonctionnement organisationnel ;
- et de produire des indicateurs consolidés utiles au dialogue social et à la régulation managériale.
2. Le cadre de référence : les six dimensions du rapport Gollac & Bodier
Le cadre scientifique de référence reste le rapport du Collège d’expertise sur le suivi des RPS (Gollac & Bodier, 2011), mandaté par le Ministère du Travail.
Ce rapport distingue six familles de facteurs de risque, dont la validité conceptuelle est désormais largement reconnue par la recherche et les institutions (INRS, DARES, ANACT) :
- Exigences du travail : intensité, contraintes temporelles, complexité cognitive
- Exigences émotionnelles : exposition à la souffrance, gestion des émotions, travail avec le public
- Autonomie et marges de manœuvre : latitude décisionnelle, anticipation, possibilités d’apprentissage
- Rapports sociaux et relations au travail : coopération, reconnaissance, soutien hiérarchique
- Conflits de valeurs : contradictions éthiques, qualité empêchée, perte de sens
- Insécurité socio-économique : instabilité de l’emploi, transformations organisationnelles, incertitude de carrière
L’évaluation à partir des 26 questions de l’INRS permet d’opérationnaliser ces dimensions de façon concise, tout en conservant la rigueur du modèle conceptuel initial.
3. Intégration opérationnelle des items RPS dans un baromètre social
L’intégration des 26 items RPS à un baromètre global suppose un équilibre entre validité scientifique et accessibilité du questionnaire.
Les bonnes pratiques observées :
- Insérer les items dans les rubriques existantes du baromètre (ex. “Relations de travail”, “Organisation”, “Rythme de travail”, “Management”)
- Conserver les échelles de mesure normalisées qui permettront de calculer des scores d’opinion positive selon la fréquence et le degré d’accord: « Oui, tout à fait/Toujours », « Plutôt oui/Souvent », « Plutôt non/Rarement », « Non, pas du tout/Jamais ». (NB : les scores seront recalculés pour les questions à échelle inversée)
- Adapter le vocabulaire pour éviter le biais d’interprétation (ne pas employer le terme “RPS” dans le questionnaire).
- Maintenir les segmentations analytiques (métier, site, ancienneté, direction, etc…) afin de permettre une lecture multi-niveaux.
Cette intégration favorise une lecture transversale et comparative, permettant de relier les déterminants psychosociaux aux autres indicateurs du climat social.
4. Analyse statistique : des scores aux cartographies de risques
Une fois les données collectées, l’analyse se déroule en plusieurs étapes :
Le calcul des scores par dimension et par question
Chaque item est transformé en score numérique (% d’opinion positive), agrégé ensuite par dimension Gollac. Ces scores moyens offrent une mesure quantitative du niveau d’exposition aux risques psychosociaux.
Les moyennes sont agrégées pour obtenir des scores par dimension Gollac, avec un seuil défini à 70%, ce qui permet d’identifier les zones de fragilité (scores bas) ou de protection (scores élevés).
Les dimensions sont représentées sur un radar (profil global de l’organisation).
La comparaison par segmentation
Les analyses par population (entité, site, direction, service, métier, statut, ancienneté, tranche d’âge…) permettent d’identifier les écarts statistiques significatifs, utiles à la prévention ciblée.
La cartographie des facteurs de risque et de protection
Cette dernière positionne chaque facteur selon :
- son niveau d’exposition (moyenne des réponses),
- et son effet protecteur (corrélation positive avec la satisfaction ou la santé perçue).
Les analyses d’impact
L’intégration au baromètre permet d’effectuer des analyses corrélationnelles ou de régression entre les dimensions RPS et d’autres variables : satisfaction globale, engagement, bien-être au travail.
Ces analyses permettent d’objectiver les facteurs les plus déterminants dans le vécu au travail, ici les scores et l’influence des facteurs sur le bien-être au travail :
5. De la mesure à la prévention : vers une démarche de régulation organisationnelle
Les résultats de l’enquête ne représentent pas une finalité, mais un instrument de compréhension et de régulation des dynamiques organisationnelles.
Ils permettent de :
- hiérarchiser les priorités d’action, selon le niveau d’exposition et l’impact sur la satisfaction ;
- valoriser les facteurs protecteurs, véritables ressources de l’organisation ;
- associer les acteurs du travail (managers, représentants du personnel, service RH) dans la co-construction des plans d’action ;
- suivre l’évolution temporelle en intégrant ces indicateurs dans les baromètres périodiques.
Cette approche rejoint les préconisations de l’ANACT et de l’INRS en matière de prévention dite “secondaire”, c’est-à-dire fondée sur la transformation de l’organisation du travail plutôt que sur la seule prise en charge individuelle.
Conclusion : vers une mesure intégrée et scientifiquement fondée
L’intégration des RPS dans un baromètre social ne relève pas d’un simple ajout d’items, mais d’un changement de paradigme : elle vise à articuler la prévention des risques et la promotion du bien-être, dans une lecture systémique du travail réel.
💡 Fondée sur les 26 questions de l’INRS et les 6 dimensions du rapport Gollac, cette démarche permet ainsi :
- Une validité scientifique éprouvée,
- Une mesure comparable dans le temps
- Un outil stratégique de dialogue social, au service de la santé, de l’engagement et de la performance durable
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