Seniors au travail : ce que révèlent les baromètres sociaux sur leur fidélité, leurs frustrations et les leviers de remobilisation
Publié par Carole Dupuy
Le 04 novembre 2025
Introduction
Avec l’allongement des carrières et le vieillissement démographique, les seniors représentent une part croissante de la population active. D’ici 2030, près d’un salarié européen sur trois aura plus de 55 ans selon Eurofound. Cette réalité oblige les organisations à repenser leurs politiques RH : comment maintenir la motivation des seniors, capitaliser sur leur expérience, tout en les accompagnant face aux mutations rapides du travail ?
L’Observatoire national Lead Opinion 2025, en analysant distinctement les perceptions des salariés de 45-54 ans et des 55 ans et plus, met en lumière un paysage contrasté : fidélité forte mais souvent subie, frustrations liées à la reconnaissance et à la charge de travail, mais aussi des attentes claires en matière d’autonomie et de respect. Croisés avec les constats de grands cabinets comme Deloitte, PwC ou McKinsey, ces résultats dressent un portrait précis des seniors au travail. Autant d’enseignements qui illustrent la valeur stratégique du baromètre social comme levier de compréhension et d’action.
Un baromètre qui révèle une motivation en retrait chez les seniors
Les indicateurs d’engagement recueillis notre baromètre national montre que la motivation des seniors tend à s’éroder.
Seuls 66% des 45-54 ans se déclarent motivés (contre 71% tous âges confondus). Chez les 55 ans et plus, une majorité reste investie (73%), mais un quart se dit stressé ou sous pression.
Plusieurs facteurs de tension :
La santé mentale est une zone de fragilité : 37% des 45 ans et plus estiment que leur travail a un impact négatif sur leur bien-être psychologique.
➡️ Ici, la comparaison avec la Génération Z est frappante : chez les moins de 25 ans, 67% considèrent au contraire que leur emploi a un impact positif sur leur santé mentale. Une divergence qui illustre la façon dont le rapport au travail se transforme selon l’âge.
C’est un point que complète une enquête dédiée au seniors conduite par BVA-Xsight/ Macif en 2025 : 55% des seniors déclarent ressentir la pénibilité du travail ou de son rythme.
Les moteurs et freins identifiés
L’enquête BVA-Xsight souligne également que le travail, pour beaucoup de seniors, perd progressivement de son attrait : le sentiment d’usure, une diminution de la stimulation ou du sens, avec la moitié des salariés seniors estimant que leur travail est devenu moins intéressant qu’au début de leur carrière, sentiment plus prononcé dans le secteur public (55%).
Quand on interroge les seniors dans nos baromètres sociaux sur ce qui les motive, un constat revient avec force : l’autonomie reste le moteur principal :
- Chez les 45-54 ans : 38% citent l’autonomie, 33% l’ambiance de travail et 33% la flexibilité horaire.
- Chez les 55 ans et plus : 40% citent l’autonomie, suivie par l’équipe (31%) et la localisation du travail (30%).
À l’inverse, plusieurs freins à l’investissement ressortent nettement :
- La rémunération jugée insuffisante (31% chez les 45-54 ans, 34% chez les 55+).
- Le manque de reconnaissance et d’écoute (22%-26%).
- La charge de travail (21%-22%).
Ces frustrations sont confirmées par PwC : en Europe, près d’un salarié senior sur deux considère que ses efforts ne sont pas suffisamment reconnus. Les entreprises font face à un désengagement silencieux si elles n’activent pas ce levier en investiguant les freins et frustrations perçues dans des baromètres engagement.
Le management vu par les seniors : écoute et respect avant tout
Selon notre observatoire 2024, 32% des 45-54 ans et 28% des 55 ans et plus ne sont pas satisfaits du mode de management de leur supérieur hiérarchique direct, une appréciation bien plus critique qu’auprès de la Gen Z. Les attentes managériales des seniors apparaissent particulièrement claires :
- Chez les 45-54 ans, un bon manager est avant tout à l’écoute et soutenant (49 %), respectueux et bienveillant (48 %), et capable d’encourager son équipe (43 %).
- Chez les 55 ans et plus, les priorités sont similaires : respect et bienveillance (51 %), écoute (50 %), ambiance d’équipe (34 %)
On retrouve donc une forte exigence de proximité et de considération humaine, contrastant avec les attentes de la Génération Z, davantage centrée sur la motivation, le droit à l’erreur et l’autonomie.
Les seniors, eux, ne demandent pas des modèles managériaux révolutionnaires : ils veulent un cadre clair, respectueux, qui sécurise leur place et valorise leur expérience.
Une fidélité forte… mais souvent contrainte
Nos baromètres climat social révèlent une autre réalité : la fidélité des seniors à leur entreprise repose davantage sur la prudence que sur l’enthousiasme. À la différence des jeunes générations, et dans un contexte économique instable, les seniors se montrent moins enclins à changer d’organisation.
- 57% des 45-54 ans envisagent de rester dans leur entreprise – dont 44% par peur du changement.
- 52% des 55 ans et plus projettent de rester, tandis que 24% envisagent d’arrêter de travailler.
➡️ Ici encore, le contraste avec les jeunes est saisissant : chez les moins de 25 ans, à peine 36 % envisagent de rester dans leur entreprise, et près d’un sur quatre souhaite se reconvertir. Les seniors incarnent la stabilité… mais il s’agit souvent d’une stabilité contrainte, plus subie que choisie.
👉 Le risque pour les entreprises : une population fidèle mais désengagée, présente physiquement mais moins investie.
Frustrations et attentes prioritaires
Le baromètre 2024 des discriminations dans l’emploi, met en lumière un sentiment d’invisibilité : beaucoup de seniors n’osent pas ou ne trouvent pas l’espace pour exprimer leurs difficultés, et quand ils le font, leurs employeurs ne répondent pas toujours de façon appropriée. Le poids de la discrimination liée à l’âge, qu’elle soit explicite ou tacite, peut impacter la vie quotidienne de certains seniors. Selon une enquête menée en 2024 par Malakoff Humanis, 32% des salariés affirment avoir entendu des remarques critiques ou stigmatisantes concernant l’âge d’un collègue.
Au-delà de ces frustrations identifiées, nous observons, à travers notre baromètre national, que les seniors expriment plusieurs attentes fortes vis-à-vis de leur organisation :
- La rémunération arrive en tête (36% chez les 45-54 ans, 38% chez les 55+).
- La reconnaissance suit de près (26%-27%).
- Puis viennent la formation (20%), la charge de travail (21%) et les conditions de travail (20% chez les 55+).
L’analyse qualitative des baromètres internes permet ici d’identifier les zones de silence organisationnelles, où les seniors ne se sentent plus légitimes pour exprimer leurs difficultés. C’est précisément là que le baromètre devient un outil d’écoute active, permettant de restaurer le dialogue et la confiance.
Côté communication interne, les besoins diffèrent légèrement selon les tranches d’âge :
- Les 45-54 ans sont plus en demande de transparence sur les changements (28%), les avantages sociaux (26%) et la formation (25%).
- Les 55 ans et plus réclament surtout des éclairages sur les avantages sociaux (27%) et les changements (23%).
Enfin, sur le télétravail, l’adhésion reste mitigée : seuls 55% des 55+ considèrent cette évolution comme positive. Une fracture générationnelle nette avec les jeunes, qui plébiscitent largement la flexibilité.
En effet, les seniors ressentent une distance croissante entre leur rapport au travail et celui de leurs collègues plus jeunes – et s’interrogent sur la cohésion intergénérationnelle.
Les baromètres, leviers de remobilisation
Pour remobiliser les seniors, les constats issus des baromètres sociaux convergent avec les recommandations des études internationales : la clé réside dans la reconnaissance, la formation et la qualité du climat social.
- Revaloriser l’expérience : donner un rôle actif aux seniors dans le mentorat, la transmission et les projets transverses.
- Alléger les tensions : clarifier les consignes, ajuster la charge, limiter les injonctions contradictoires.
- Renforcer la reconnaissance : pas seulement salariale, mais aussi symbolique, en valorisant leur expertise et leur contribution au collectif.
- Investir dans la formation continue : notamment sur les compétences numériques et l’IA (déjà utilisées par 45 % des 45-54 ans).
- Adapter les conditions de travail : flexibilité adaptée, missions en adéquation avec les priorités de fin de carrière.
- Faire vivre les baromètres sociaux : comme des outils de pilotage dynamiques pour identifier les frustrations réelles, au-delà des moyennes globales, et bâtir des plans d’action ciblés.
👉 En somme, il ne s’agit pas seulement de retenir les seniors, mais de transformer leur fidélité par défaut en engagement choisi.
Conclusion
Les seniors occupent une place charnière dans l’entreprise : à la fois repères de stabilité et témoins des tensions du climat social. Les baromètres sociaux en révèlent les paradoxes : un attachement fort, mais teinté de lassitude ; une expérience riche, mais souvent sous-exploitée.
Pour les employeurs, l’enjeu est d’importance et complexe. Dans un contexte où les talents se raréfient, les seniors représentent un levier stratégique trop souvent négligé. En réinvestissant sur la reconnaissance, la formation et la qualité du climat social, les organisations peuvent non seulement prolonger l’engagement de ces collaborateurs, mais aussi bénéficier de leur rôle clé de transmission et de stabilisation.
Pour les directions et les responsables RH, la voie est claire : il ne suffit plus de mesurer le climat, il faut écouter, interpréter et agir. Le baromètre social doit devenir bien plus qu’un outil de reporting — un véritable instrument de gouvernance humaine, indispensable pour bâtir des politiques inclusives et durables.
📌 En résumé
A travers nos différentes démarches d’écoute interne, les seniors affichent une fidélité forte à leur organisation, mais souvent contrainte par la peur du changement.
Leur motivation repose avant tout sur l’autonomie, l’ambiance de travail et la reconnaissance de leur expérience.
Une discrimination liée à l’âge et le sentiment de ne pas être entendus : difficultés non exprimées ou peu prises en compte par les employeurs.
Ils se disent plus fragilisés que les jeunes sur le plan de la santé mentale, et se montrent plus critiques vis-à-vis de la rémunération, de leur manager et des conditions de travail.
👉 Pour les remobiliser, les entreprises doivent miser sur l’écoute interne, la reconnaissance, la formation continue. Les baromètres climat social aident à prévenir le désengagement silencieux et à renforcer la cohésion intergénérationnelle, permettent d’objectiver les ressentis et les attentes réelles, pour dresser des plans d’action .
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